“Soucieuse d’élargir ses horizons, Marie Gailland n’a de cesse d’interroger les mystères du monde. Avec ses Silences, elle nous invite implicitement à réfléchir sur le sens de cet objet métaphysique. Mélange d’angoisse et d’attirance, de terreur et de jubilation, de danger et de sérénité, voué selon les circonstances à rassurer ou inquiéter, ce dernier se donne dans la manière dont il touche celui qui l’entend.
« Il semble, dit Bachelard, que pour bien entendre le silence, notre âme ait besoin de quelque chose qui se taise. » Ce n’est pas la disparition des sons qui fait le silence, mais la qualité de l’écoute, l’attention à la pulsation qui anime l’univers. Propice au recueillement, il invite l’artiste à un repli sur elle en lui procurant un sentiment aigu d’exister.
Après une longue méditation qui lui permet de se retrouver, elle initie cette série. L’atmosphère paisible lui permet de repérer son silence intime. Couplé à la virginité de la toile, il engendre une dissolution des limites, une union de la créatrice avec l’espace. Celle-ci semble corroborer les propos de l’Abbé Dinouart pour qui « Jamais l’homme ne se possède plus que dans le silence. »”
Françoise Jaunin
Soucieuse d’élargir ses horizons, Marie Gailland n’a de cesse d’interroger les mystères du monde. Avec ses Silences, elle nous invite implicitement à réfléchir sur le sens de cet objet métaphysique. Mélange d’angoisse et d’attirance, de terreur et de jubilation, de danger et de sérénité, voué selon les circonstances à rassurer ou inquiéter, ce dernier se donne dans la manière dont il touche celui qui l’entend. « Il semble, dit Bachelard, que pour bien entendre le silence, notre âme ait besoin de quelque chose qui se taise. » Ce n’est pas la disparition des sons qui fait le silence, mais la qualité de l’écoute, l’attention à la pulsation qui anime l’univers. Propice au recueillement, il invite l’artiste à un repli sur elle en lui procurant un sentiment aigu d’exister. Après une longue méditation qui lui permet de se retrouver, elle initie cette série. L’atmosphère paisible lui permet de repérer son silence intime. Couplé à la virginité de la toile, il engendre une dissolution des limites, une union de la créatrice avec l’espace. Celle-ci semble corroborer les propos de l’Abbé Dinouart pour qui « Jamais l’homme ne se possède plus que dans le silence. »
Tel Rothko, Marie Gailland insuffle à ses Silences transparence et luminosité en travaillant par fines couches de couleurs superposées, qui engloutissent le spectateur dans leurs dimensions emplies de lumière intérieure. Elle privilégie la fusion sensorielle entre l’œuvre et celui qui la reçoit, traduisant unevision spirituelle à travers l’agencement des formes et des teintes. A l’instar de Kandinsky, elle choisit les pigments pour leur pouvoir dynamique et émotionnel. Sa peinture semble absorber la couleur et la rendre incandescente tout à la fois. Par le biais de ces toiles, elle révèle la nécessité d’accomplir un travail de réflexion intime pour tendre à plus de profondeur, de justesse et favoriser la transcendance.
Cette poétesse n’est pas une simple « inspirée ». Elle se double d’une constructrice réfléchie, qui connaît les vertus de tous ses matériaux, car une partie de son travail consiste précisément à les examiner l’un après l’autre, afin de s’en rendre maîtresse. Marie Gailland use de la géométrie (cercles, carrés, rectangles, triangles) non seulement pour créer de purs faits picturaux, mais également pour élaborer un langage de plus en plus abstrait et métaphorique. Les formes biomorphes se muent en structures rigoureuses colorées sans pesanteur, qui semblent pousser organiquement de l’intérieur du tableau. Ses cercles au mouvement rotatif, sans commencement ni fin, symbolisent le cycle de la vie, le temps, défini comme une succession continue d’instants, indissolublement liés à l’espace. Selon Carl Gustav Jung, cette forme est une image archétypale de la totalité de la psyché, alors que le carré est celle de la matière terrestre, du corps et de la réalité. Enfin le caractère parfait de cette figure lui confère une portée mystique qui s’inscrit pleinement dans les réalisations de la plasticienne.
La présence du spirituel dans les œuvres de Marie Gailland pose de façon percutante la question de la place de l’homme dans le macrocosme et parmi ses semblables, écartelé entre matière et esprit, souffrance et plaisir, égoïsme et altruisme, violence et amour. A travers son univers artistique, elle tente de créer un lien physique et spirituel entre ciel et terre, dans une volonté de continuité, de fusion, rejoignant en cela la pensée mystique de la sainte Hildegarde de Bingen : « Regarde-toi : tu as en toi le ciel et la terre »19 ou la sensibilité du pacifiste Gandhi20 qui déclare : « Le ciel et la terre sont en nous. » L’artiste nous appelle à une conscience de centralité ; pivot que les êtres humains ne cessent de chercher. Dans cet « ici et maintenant », elle se place comme sur l’axe du monde, à égale distance entre le lointain et le proche, comme fondue dans le tout.